Exalte la. Hurle encore et toujours plus fort.Les mêmes cris bercent ses nuits agitées, elle traverse les pièces, hante le vestibule avant de se diriger vers la chambre de ses désirs, elle n’est pas seule cette fois. Loin d’être une adepte du communisme, elle s’était entichée d’une de ses jeunes sœurs, elle voulait lui inculquer tout ce qu’elle savait, avait appris ou voulait expérimenter. D’un geste ample elle ouvrit la porte, susurrant un innocent “regarde Hallow…”. La jeune fille a les yeux rivés sur l’homme que son aînée vient de désigner, le regard embrumé, la bouche pâteuse elle mire avec appréhension l’acte qui se joue devant elle.
Son mentor souple et son compagnon rustre s’installent, il obéit au moindre de ses commandements, s’exécute dès qu’elle entrebâille les lèvres, grogne, hurle, pour finir par tomber telle un arbre qu’on aurait tranché. Lui, immobile, la belle se lève se dépoussière avant de lui jeter d’autres sommations, exténué, vaseux l’homme se relève malgré tout, hypnotisé par les dires de la jeune femme qui lui fait face. Cette dernière continue son manège, encore et encore. Lorsqu’il est las, elle lacère sa peau, heurte son torse, lui égratigne le visage, jusqu’à ce qu’elle soit comblée, puis se dépoussière de nouveau, se relève avant de passer à la chambre suivante. La petite Hallow la suit, telle une ombre feutrée, le regard ampli d’une profonde adoration.
Le déjeuner fut servi dans la grande salle, comme à son habitude. Une douzaine de jeunes filles, sorties d’on ne sait où, bavardaient autour de la table en chêne. Les voix fusaient, piquaient dans les aigus, se dérobaient dans les graves, s’égrenaient, se changeaient en rires perlés, se croisaient, se chevauchaient au dessus des plats. On aurait cru, qu’aucune d’elles n’écoutait ses congénères, aucune ne prêtait attention à sa voisine, toutes péroraient simultanément, se vantaient de leurs exploits de la veille, un véritable tintamarre, assourdissant et frustrant.
Une seule, parmi les douze jeunes femmes, n’intervenait à aucun moment, ne prêtant guère d’attention aux papotages intempestifs de ses sœurs. Après un temps d’accoutumance de plusieurs années, Lilith avait compris, les jeunes demoiselles qui la cernaient étaient « irrécupérables », elles haussaient le ton dans l’unique but de se faire remarquer par le maître de maison, ou du moins le futur maître. Celui-ci, impassible, trônait au bout de la table rectangulaire, il ne daignait même pas porter un regard distrait envers les harpies qu’il avait accueillies. De temps à autre, il observait Lilith d’un œil furtif ; la seule fille calme et posé, la seule à ne pas le ruiner en vêtements et en produits divers, la seule qui ne voyait pas en lui une liasse d’espèces sonnantes et trébuchantes. La seule au caractère pondéré et aux manières dignes de son rang, contrairement aux autres bruyantes, aux discours mal convenus et aux manières déroutantes par leur coté « porcin ». La seule à le satisfaire amplement, chaque nuit, chaque instant dérobé, chaque minute d’allégresse tendre ou brutale lui était dus, mais l’homme n’en savait rien, prenant ses nuits torrides pour de simples fantasmes, des rêves incongrus, des pulsions refoulées, il se contentait d’admirer sa soeur, de loin.
En tout elles étaient douze, douze jeunes femmes d’une beauté assourdissante mais différente, cela se voyait à la singularité faciale de chacune, aucune d’elle n’avait de traits semblables à ceux des autres, douze sœurs qui s’aimaient et se jalousaient, elles avaient en ces temps là élu domicile chez un riche monarque, prince d’Angleterre de l’époque. En effet, le peloton de filles avait été recueilli par le roi lui-même, quelques années auparavant, pour atterrir dans la demeure de son fils, elles s’étaient montrées étrangement convaincantes.
Lilith était pour ainsi dire la chef de meute, Hallow la petite dernière, elles avaient beau jalouser ou mépriser leur ainée, chacune d’elles lui obéissait sans sourciller, jugeant ses décisions bonnes et sensées, Lilith l’avait toujours été après tout.
Succube, c’est ce qu’elle était, c’est ce qu’elle est toujours, elle aimait se divertir avec son cher prince, se défilait avant de passer à la victime suivante. Puis comme le reste c’est devenu lassant, elle y avait trop goûté, ce n'était plus, c'était insipide. Elle voulu voyager et le fit, traversant bien des contrées, rencontrant diverses personnes, elle perdit le contact avec ses sœurs, elles doivent la détester à l’heure actuelle. Il n’y a pas que ça que la jeune femme a perdu, ses souvenirs se sont perdus dans le flot immuable du temps, elle finit même par oublier son nom, cette situation l'exaspérait. Elle se sentait vide, déboussolée, sans but apparent. Elle se créa une nouvelle identité, s'imposa une manière de vivre et de penser. Remplissant ce vide autant que possible.
Money, money, money, must be funny in a rich man's world.Paternoster Square, 3 mai 2025, les yeux rivés sur le panneau d’affichage la jeune fille guète la hausse de ses actions, elle l’attend impatiemment, le moment où elle va faire sa transaction approche, il vient dans sa direction, avec une marche saccadée. Quand, enfin, il est là, après s’être profilé puis fait attendre, il arrive, elle le savoure avant de repartir avec sa liasse de billets.
Luna est radine, Luna ne dépense pas un centime inutilement, calcule la moindre de ses dépenses, rêve de sortir ce Pactole qui est planqué à la banque et de se prélasser dans une baignoire remplie de billet. Elle affectionne les espèces sonnantes et trébuchantes vous l’avez compris. Véritable petit génie en bourse, elle possède d'ores et déjà une fortune dans ses actifs. Aussi lorsqu’on l’invita à prendre part au projet The Other Side, elle n’hésita pas un instant, y voyant une nouveauté prometteuse, un placement intéressant, ou espérant juste croiser dans la foule de monstres qui s’y rendent, quelqu’un qui la reconnaisse, qui lui dise qui elle est ?