« I watched you change into a fly » Un épais brouillard stagnait depuis plusieurs jours au large des côtes d’Irlande. Ce n’était pas un fait inhabituel, et les habitants des contrées côtières continuaient leurs occupations comme si ne rien n’était. Pourtant certains murmuraient que la nuit , lorsque toutes les lumières étaient éteintes, on pouvait entendre un chant sortant de ce brouillard. Il n’était pas très fort, loin de là. Il fallait tendre l’oreille pour l’entendre, mais pourtant, ce chuchotement rauque et bas avait de quoi faire trembler tous les supersticieux du village. Alors que le timide soleil de Mars laissait place à l’imposante pleine lune, une sombre silhouette entra doucement dans l’eau. Ses mains glissèrent à la surface, les écailles parsemées sur sa peau luisant à la lueur de l’astre nocturne. Une fois immergé jusqu’à la taille, l’inconnu souffla de contentement et plongea dans les profondeurs sous-marines. Un sourire plein de joie illumina ses traits, alors qu’il s’enfonçait encore dans les eaux sombres et glaciales d’Irlande. Il nagea pendant plusieurs minutes, sans se soucier de rien, simplement heureux de pouvoir se mouvoir entre les algues et les poisson qui peuplaient ce morceau de mer. Cependant, la température de l’eau se rappela à son bon vouloir, et il dut remonter à la surface. Une fois sa tête hors de l’eau, il regarda autour de lui, et remarqua que la côte était à plusieurs kilomètres de sa position actuelle. Mais loin de le décourager, cette distance lui permettait de rester plus longtemps immergé, donc c’était tout bénèf. Il se dirigea vers le point lumineux sur la plage, qui devait être sa mère qui l’attendait avec une lanterne dehors. Toujours souriant, il se mit à fredonner la berceuse qu’elle lui chantait lorsqu’il était plus petit pour l’endormir. Il ne connaissait pas les paroles, mais peut importe. La mélodie était si jolie, que même murmurer elle le faisait rêver. Au bout de plusieurs minutes, il arriva à voir la silhouette de sa mère, ses longs cheveux blonds qui descendaient en cascades dans son dos. Il sourit encore plus et accéléra l’allure. Après plusieurs minutes de nage supplémentaire, il put enfin distinguer le visage aux traits gracieux de la jeune femme, ainsi que ses yeux verts pétillants de vie. Il reprit pied et couru vers elle, avant de se jeter dans ses bras en rigolant. Elle caressa ses cheveux carotte avant de l’embrasser sur le haut du crâne. Elle frotta son dos, pour un peu réchauffer l’enfant qui venait de se baigner pendant une demi-heure dans ces eaux glacial. Celui-ci peu soucieux des frissons qui remontaient la colonne vertébrale, annonça à sa mère, tout fier de lui ;
▬ Maman ! Maman ! Je vais bientôt muer !
En effet, sa voix était déjà beaucoup plus sourde et rauque qu’avant, lui donnant un petit côté mystérieux et envoûtant, qu’un enfant de 10 ans ne devrait pas avoir. Elle lui fit un petit sourire tendre avant de prendre sa main et de marcher entre les petites maisons de pêcheurs de la bourgade
▬ Je sens que tu auras une aussi jolie voix que ton père Orion ..
Sur ces paroles l’enfant gonfla le torse de fierté. Sa mère lui avait toujours dit combien la voix de son père était belle et majestueuse. Qu’elle forçait le respect et enivrait les sens. Il voulait tellement lui ressembler. Il avait déjà hérité de sa tignasse de feu, ainsi que de son sourire plein de vie. Il était un savant mélange de ses deux parents, tenant de sa mère ses yeux émeraude, ainsi que son petit nez en trompette et son visage en forme de cœur. Ils arrivèrent à une petite maison un peu en dehors du village au bord de la forêt. Il entra dedans assez vite, le froid se faisant mordant, et alla mettre un gros pull en laine avant de s’asseoir devant la cheminée. Sa mère s’activait déjà à faire chauffer de l’eau pour du thé et à raviver les braises du feu. Elle remit deux trois bûches avant de repartir d’occuper du thé, qu’elle versa dans deux tasses en terre cuite. Orion faillit se brûler la langue en buvant trop vite, tout ça sous le sourire attendrit de sa mère. Celle-ci but quelques gorgée du thé brûlant avant de reposer la tasse par terre et de s’installer plus confortablement dans le seul fauteuil de la pièce. Elle jeta un œil à son fils qui la regardait avec attention, attendant avec impatience le début de l’histoire qu’elle lui racontait à chaque fois qu’il revenait du littoral.
▬ T’ai-je déjà narré la rencontre entre ton père et moi ?
Le petit rouquin secoua lentement sa tête, faisant voler ses boucles enflammées.
▬ C’était un doux jour d’Octobre, je me trouvais au large de l’Inde, pays que j’avais visité pendant un bon mois auparavant. On était à la recherche, ma sœur Anne et moi de plusieurs marins à envoûter et à piller. On avait enfin trouvé un bateau marchant après plusieurs heures de recherches infructueuses, et on s’apprêtait à les hypnotiser lorsque je l’ai vu. Il était magnifique, avec ses cheveux flamboyant et sa queue aux écailles aussi rouges que ses mèches folles.
Elle caressa doucement les mèches orange de son fils avant de continuer son récit.
▬ Il voulait également jouer de ses charmes pour asservir cette bande d’humains. Mais avant de pouvoir chanter il m’a aperçut, et il m’a dit que ça avait été le coup de foudre directement.
Elle rigola doucement, replaçant ses cheveux blonds vénitiens derrière son oreille.
▬ Pourtant ça n’a pas été tout de suite l’amour fou entre nous. Il était tellement immature. Il m’a fait la coure pendant de nombreux mois avant que je ne cède à ses avances. Pendant tout ce temps je suis restée en Inde, m’imprégnant un peu de la culture locale. J’ai succombé à son charme vers janvier, et un an plus tard, tu es né.
Orion la regarda des étoiles dans les yeux, puis monta sur ses genoux pour se blottir contre elle, comme il le faisait chaque jour à la fin de chaque histoire que lui racontait sa mère. Parfois c’était sa propre histoire à elle, ou les légendes de son peuple et que son grand-père lui racontait lorsqu’elle était enfant. D’autres fois c’était des histoires totalement inventées mais qui le faisait rêver. Celles qu’il appréciait le plus était celles dans lequel son père apparaissait. Il l’avait toujours admiré, même s’il ne l’avait pas vraiment connu. Il plongea son regard vert forêt dans celui si semblable de sa mère et posa sa question d’une toute petite voix ;
▬ Maman, pourquoi papa est parti ?
Il regretta tout de suite de l’avoir posé lorsqu’un éclair de douleur traversa les prunelles si lumineuses de la jeune femme. Elle lui sourit douloureusement, et lui répondit d’une voix légèrement tremblotante ;
▬ Il est parti visiter le monde entier, ainsi que les étoiles ..
Orion sourit à cette réponse et lui demanda, un grand sourire étirant ses lèvres ;
▬ Il reviendra nous voir bientôt ?!
Elle ne lui répondit pas cette fois, se contentant de poser un doux baiser sur son front, avant de le porter jusqu’à sa chambre. Elle le borda dans son lit et sorti de la pièce doucement. Orion ferma les yeux et se laissa voguer dans ses rêves pleins d’étoiles.
Orion se réveilla en sursaut en entendant sa mère rentrer dans sa chambre et fermer à clé après elle. Ses cheveux blonds étaient emmêlés et ses yeux observaient la pièce, comme si un monstre allait surgir d’en dessous du lit. Son regard se fixa sur son fils qui la regardait sans comprendre, et elle lui fit signe de se taire et de se lever. Elle posa son oreille contre la porte, puis souffla de soulagement. Elle tira les rideaux de son unique fenêtre. Elle s’assit sur le lit et enlaça fortement le rouquin qui ne savait pas ce qu’elle faisait. Quelques secondes après, elle se releva et alla fouiller dans la garde-robe de son fils et en sorti un pantalon en lin noir, ainsi qu’une chemise bouffante blanche et une paire de chaussettes grises. Elle les donna à Orion en lui disant d’un regard de les enfiler. Celui-ci obtempéra et s’habilla, des interrogations toujours dans le regard. Pendant ce temps sa mère sorti une paire de botte en cuir ainsi qu’une cape de voyage noire, fourrée de fourrure pour parer au froid. Elle les déposa sur le rebord du lit, puis s’assit de nouveau à côté en soufflant. Le rouquin s’approcha d’elle inquiet et déposa sa petite main blanche sur la joue de sa mère. Celle-ci sursauta avant de se rendre compte que ce n’était qu’Orion qui se demandait ce qu’il se passait. Elle le reprit dans ses bras une nouvelle fois, mais cette fois-ci elle lui murmura au creux de l’oreille ;
▬ Ce sont les villageois. Ils m’attendent devant la porte avec des fourches et des torches. Ils m’accusent de sorcellerie.
En entendant ces paroles l’enfant voulu dire quelque chose, mais elle le coupa tout de suite pour continuer ;
▬ Les femmes du village veulent ma tête depuis longtemps, et les hommes de ces contrées sont faibles. La « Sorcellerie » n’est qu’une excuse pour me voire sur le bûcher. Par contre, ils ne connaissent pas ton existence. Tu as encore la chance de pouvoir t’enfuir Orion.
Orion en entendant ces paroles secoua la tête, complètement halluciné. Il ne voulait pas y croire. Ça ne pouvait pas être réel. Il devait rêver, c’était encore un de ces cauchemars horribles. Pourtant la forte étreinte de sa mère lui rappela que tout ce qu’il vivait était bel et bien réel. Sans qu’il ne puisse s’en empêcher il senti les larmes couler le long de ses joues et venir s’écraser au creux du cou de sa mère. Elle lui caressa les cheveux, voulant la rassurer, pourtant ça ne fit que redoubler ses pleurs. Il s’accrocha à la robe de la jeune femme, ne voulant pas qu’elle parte. Pourtant les cris de joie ainsi que le bruit de leur porte d’entrée s’effondrant les fit reprendre pied dans la réalité. Ils se détachèrent l’un de l’autre, même si Orion ne voulait pas lâcher la robe de sa mère. Il la supplia du regard. Il ne voulait pas la quitter. Ne plus jamais la revoir. Ne plus jamais sentir le parfum de lilas et d’épices qui la caractérisait si bien. Il secoua la tête et voulu revenir dans ses bras. Mais elle se détacha doucement de lui, le regard empli de tristesse, mimant avec ses lèvres un simple mot. D’une seule syllabe. Avec seulement 3 petites lettres. «
v i s ». Orion fit donc ce que sa mère lui demanda, il sorti par la porte de derrière, celle qui menait à la forêt et s’enfuit les yeux baignés de larmes. Il voulu se retourner, mais les hurlements victorieux eurent raison de lui, et il continua sa fuite. Il devait vivre, comme sa mère lui avait demandé. Après la suite devint floue. À cause des larmes et de la panique, sûrement, il ne remarqua pas la branche devant lui, qui lui érafla le visage. Non, il couru encore. Pendant combien de temps ? Il n’aurait sut le dire. Il reste quelques heures ou plusieurs jours dans cette forêt sombre, peuplée d’animaux dangereux. Pourtant aucune de ces dangers n’arrivaient à lui enlever la dernière image de sa mère. Il pleura toutes les larmes que son corps pouvait fournir. Il n’arriva pas à faire son deuil et décida d’aller au village, malgré les dernières volontés de sa mère. Malheureusement, il arriva trop tard et un bûcher brûlait déjà sur la place centrale sous les hurlements de douleurs de sa mère, et ceux de joie des villageois. Les larmes lui piquèrent les yeux pourtant elles ne coulèrent pas. Le feu brûla longtemps. Pendant des heures et des heures. Les femmes et les hommes, lassés rentrèrent se coucher. Mais Orion resta-là. Ça faisait bien longtemps que la place était devenue silencieuse. Pourtant il n’arrivait pas à détacher son regard des flammes qui léchaient la carcasse qui avait été sa mère à peine quelques heures plus tôt. Il s’approcha, à la fois fasciné et horrifié du cadavre carbonisé et de la chaleur brûlante du feu. Il s’avança un peu trop et une flamme plus vive que les autres lui caressa le visage, brûlant sa rétine droite. Par un hasard mystérieux seul son œil fût touché. Il recula précipitamment, une main cachant son organe brûlé. Son regard toujours fixé sur le bûcher qui finissait son œuvre. Il ne quitta le village qu’une fois l’aube levée, alors que les villageois allaient se réveillés pour aller travailler. Une haine brûlante lui tenailla les entailles, envers ces gens intolérants et jaloux. Il se vengerait un jour. Ô oui, il se vengerai, et là ils regretterons de l’avoir brûlée..
Orion regarda le village brûler à ses pieds, le visage inexpressifs, comme figé dans la glace. Il ne ressentait plus rien. Juste une froide indifférence. Il s’était enfin vengé. Mais à quoi bon ? Elle ne reviendrait jamais. Il avait fait son deuil depuis longtemps, pourtant lorsqu’il pensait à elle, la boule qui logeait au creux de son ventre se manifestait de la plus dure des manières. Il bascula sa tête en arrière en soupirant. Ses yeux se fermèrent, seul le bruit des flammes et des vagues houleuses se faisait entendre. Il commença à fredonner sa berceuse doucement, amoureusement, les souvenirs défilant derrière ses paupières closes. Ça faisait déjà 30 ans qu’il était parti de ce village pourri. Il avait visité le monde, fait de multiples rencontres. Mais rien de bien intéressant. Il avait été longuement perdu dans sa tristesse, et c’était dur pour un enfant de 10 de se débrouiller tout seul. Heureusement sa voix avait commencée à muer, et il avait très vite pu hypnotiser les humains pour obtenir ce dont il avait besoin. Il avait été à Paris, Berlin, Madrid, Rome. Puis il était descendu sous ses latitudes plus chaudes. Egypte, Moyen-Orient, Inde, Philippines. Il avait parlé à Anne, la sœur de sa mère. Il était resté quelques années avec elle. Apprenant à maîtriser son don et à pouvoir en tirer le maximum de profits possibles. Puis il l’avait quittée. Direction l’Océanie, Madagascar, Le Cap puis l’Amérique Latine. Il était également resté un bon moment là-bas. Les températures étaient idéales, il y avait des centaines de petites îles inhabitées et qui était réellement paradisiaques. Il fit la connaissance de plusieurs de ses sœurs sirènes, qui l’adorèrent tout de suite. Il faut dire que malgré les années, il avait gardé sa petite bouille d’enfant ne faisant pas plus de 13 ans physiquement. Ensuite il avait visité les Etats-Unis, il n’a pourtant jamais continué jusqu’au Canada. Il trouva ce pays en pleine voie de développement extrêmement intéressant, pourtant la vieille Europe lui manquait. Cependant, il se dirigea vers le Japon, décidé à terminer son mini tour du monde. Lorsqu’il arriva au japon, il fût tout de suite catalogué comme ennemi, à cause de ses cheveux orange. Dès lors, il se les fit teindre en noir pour pouvoir se mêler à la population sans risquer de se faire arrêter par les gardes impériaux à chaque coin de rue. Il continua sa route pour finalement arriver en Russie. Et malgré son climat froid, c’est peut-être la pays qu’il a le plus apprécié avec l’Inde et les îles d’Amérique du Sud. C’est là qu’il rencontra sa lumière. Son phare à travers la tempête. En quelque sorte, c’est lui qui l’a totalement sauvé.
Lorsqu’il arriva à St-Petersbourg, Orion était devenu un véritable jeune homme. Il n’était plus l’adolescent maigrelet et pâle que ses sœurs avaient pris d’affection. Il avait eut une poussée de croissance fulgurante, aussi inattendue que malvenue. En effet, en quelques jours seulement il avait pris 10, voir 15 bons centimètres, et ses pantalons et chemises étaient devenus trop petit. Il avait donc dû trouver une combine pour pouvoir se racheter des habits à sa taille. C’est à ce moment-là qu’il le rencontra. Alexander Nikolaï Vladisevitch Maslov de son nom complet était un vampire noble qui s’était établi en Russie depuis de nombreuses années. Il était à la recherche d’une proie à vider de son sang, lorsqu’il rencontra Orion. Il avait vraiment l’air pitoyable avec ses vêtements trop petits pour lui, ses yeux injectés de sang à cause de la fatigue et du froid, ses lèvres bleues dues à la neige de décembre. Pourtant Alexander se jeta dessus comme un affamé sur un beefsteak. Sans lui laisser le temps de penser à quoi que ce soit, le rouquin sentait déjà deux canines affilées s’enfoncer dans son cou pâle. Il ne hurla pas, écarquillant les yeux de surprise, sa bouche formant un joli « O ». Il le laissa boire de tout son soul, de toute façon, il n’aurait pas pu lutter contre un vampire. Celui-ci parce qu’il n’avait pas très soif, ou parce qu’il aimait bien le rouquin, ne le tua pas sur le cou. Pourtant la prise de sang étant importante, Orion s’évanoui quand même dans les bras surpris du noble, ne pensant pas avoir tant bu. Il le ramena chez lui, mu par un instinct étrange et le coucha dans son lit, attendant qu’il revienne à lui. Il le veilla la nuit entière, avant que le rouquin se réveille doucement. Il avait du mal à ouvrir les yeux et se sentait tellement faible. Il fronça les sourcils lorsqu’il entendit le bruit d’une étoffe qu’on froisse, puis tourna la tête vers le son. Il écarquilla légèrement ses yeux en voyant l’homme qui l’avait attaqué un peu plutôt, mais ne bougea pas pour autant, n’ayant pas vraiment la force. Le vampire se permit un sourire en voyant la réaction du gamin ;
▬ Enfin réveillé, la belle au bois dormant ?
Son sourire narquois énerva un peu plus Orion qui se releva d’un coup. Bien trop vite dans son état, ce qui eut pour seul résultat une forte nausée ainsi qu’une énorme migraine et quelques vertiges. Il grogna, faisant légèrement ricaner le russe, avant de se recoucher, affaibli au possible. Il marmonna dans sa barbe inexistante, tandis que le vampire alla prendre le thé qu’il avait préparé quelques minutes auparavant, pressentant le réveil du bel endormi. Il lui proposa une tasse, que le plus jeune accepta avec plaisir. Il souffla un peu dessus pour refroidir un peu le breuvage et observa pendant ce temps celui qui l’avait attaqué. Il but une lampée avant de demander ;
▬ Vous ramenez souvent vos proies chez vous ?
Le regard froid qu’il reçu en réponse le fit sourire, sans qu’il ne sache vraiment pourquoi. Il se sentait fier d’être le seul à avoir pu pénétrer dans l’antre de ce vampire mystérieux. Il le détailla un peu plus précisément, et tomba graduellement sous le charme de son agresseur. Ses cheveux aussi noirs qu’une nuit sans lune encadraient son visage pâle et froid, éclairé par deux perles turquoise qui lui servaient d’yeux. Il était magnifique, habillé avec un pantalon en velours noir et une chemise bouffante rouge bordeaux sombre. Orion bavait sur le torse finement musclé qu’il arrivait à deviner sous la soie. Il se reprit finalement en voyant le sourire plein de moqueries du vampire. Il fronça les sourcils et déposa la tasse de thé vide avant de croiser les bras sur sa poitrine d’un air boudeur.
▬ Quoi ?
Le sourire de son hôte ne fit que se renforcer en entendant ses paroles et il secoua doucement la tête en lui répondant calmement ;
▬ Rien.
Orion bougonna avant de regarder du coin de l’œil le vampire. Etait-ce à cause du charme naturel de la créature, ou de son charisme, il ne savait pas. Mais il ne se lassait pas de l’observer, le détailler. C’était une véritable œuvre d’art, donc le rouquin appréciait fortement la valeur. Ses hormones bouillonnantes lui faisant perdre peu à peu le fil de la raison. Etait-ce sa faute s’il n’était qu’un adolescent –certes de 35 ans mais un adolescent quand même - qui ne pensait qu’à ça ? Ils restèrent plusieurs minutes à se fixer sans rien dire, seul le craquement des bûches dans la cheminée brisant le silence de la pièce. Ses instincts de sirens reprirent le dessus, lorsqu’il se passa une main dans les cheveux, vérifiant qu’ils étaient bien décoiffés comme il le fallait. Des écailles turquoise aux reflets rouges apparurent en dessous de ses yeux, renforçant leur éclat et leur couleur vert bouteille. Les mêmes petites écailles devinrent visibles près de ses clavicules, au creux de ses poignets et ses mains. Peu à peu son corps se retrouva parsemé de ces éclats colorés lumineux, qui le rendaient un peu plus irrésistible à chaque seconde. Ça faisait partie du charme sirène, en dehors de leur chant, c’était également leur beauté à couper le souffle qui attirait les marins dans leurs serres.
Le vampire, amusé par tout ce manège, laissant quand même glisser ses yeux céruléens sur le corps de l ‘adolescent présent dans ses draps. Son regard fût tout d’abord attiré par les cheveux flamboyants de son invité. Aussi ils étaient tellement visibles qu’on ne pouvait pas les loupés. D’habitude il n’aimait pas spécialement ces couleurs criardes, mais cet orange n’était pas comme celui d’une carotte, non. Il était plus sombre, plus intriguant. Il n’arrivait pas à juger la réelle couleur de ces mèches, celle-ci changeant dès qu’Orion bougeait sa tête ou qu’un souffle de vent faisait voler ses cheveux. Ensuite le noble observa le visage en cœur du rouquin, sa peau pâle et ses traits fins. Il avait l’air d’être fait de porcelaine. La prunelle verte du plus jeune était subjuguante, voir même hypnotisante. Si on regardait attentivement on pouvait voir des particules or qui voyageaient dans cette iris à la couleur si tendre. Il se demanda un instant pourquoi il portait un cache œil, mais ne s’y attarda pas plus. Il se lécha inconsciemment les lèvres en voyant le cou pâle et la jugulaire palpitante dans laquelle il avait planté ses crocs quelques heures auparavant. Il avait un goût délicieux, presque additif, et Alexander se demanda s’il pourrait un jour y avoir droit de nouveau. Ses prunelles s’assombrir, alors qu’il regardait fixement le torse nu du jeune homme, voulant descendre plus bas, mais sa propre couverture l’en empêchant. Il n’avait pas remarqué tous ces détails lorsqu’il l’avait vu dans la rue, et s’en était bien dommage. Le vampire s’approcha sans pouvoir s’en empêcher d’Orion qui en ronronna presque de plaisir. Ils étaient tous les deux plongés dans une sorte de transe, leurs instincts monstrueux prenant le pas sur leurs raisons humaines.
Cependant, Alexander se reconnecta à la réalité, clignant des yeux très rapidement, son visage à quelques centimètres seulement de celui du rouquin. Il mordilla sa lèvre inférieure avant de se relever doucement pour ne pas céder à la tentation. Malheureusement –ou heureusement selon les points de vue -, Orion accrocha ses bras derrière la nuque du plus âgé et l’embrassa passionnément, sans se soucier de ce qui se passerait après et aux conséquences de ses actes. Le vampire ferma les yeux sous la sensation et se laissa enivrer. Il essaya quand même de se raisonner, mais le siren, sans faire exprès se coupa la langue, ce qui rendit fou de désir le russe. Le lendemain matin, loin de s’affoler, Orion se blotti dans l’étreinte glacée du vampire, comblé comme jamais. Ils restèrent à paresser dans le lit pendant de longues minutes, avant de se décider à quand même parler de ce qu’ils allaient faire après. Alexander posa la question, ses lèvres caressant la nuque de son.. amant ? ;
▬ Que comptes-tu faire maintenant ?
L’adolescent s’étira un peu, un sourire un peu con collé aux lèvres avant de répondre au vampire d’une voix encore ensommeillée ;
▬ Nous présenter serait un bon début
Il senti le sourire d’Alexander se former contre sa peau, et celui-ci chuchota en caressant de la langue son oreille ;
▬ Et si nous faisions tout cela sous la douche ?
Le noiraud ricana en voyant Orion se lever d’un coup, plein d’énergie, sautillant presque sur place, attendant impatiemment que son amant se lève pour aller se laver. Le dit amant senti qu’il allait bien s’amuser avec lui et ne regrettait pas ses actions d’hier. Il se leva lui aussi, montrant le chemin au plus petit qui s’empressa de le suivre dans la salle de bain.
Orion se reconnecta à la réalité en sentant une présence derrière lui. Il rouvrit les yeux, regardant quelques secondes le village qui se consumait encore, puis tourna la tête en souriant. Alexander se tenait à quelques mètres de lui, le regardant avec tendresse. Il s’avança et sa main tout simplement. Le rouquin ne se fit pas prier pour la prendre, il enlaça ses doigts aux siens avec douceur. Son vampire le releva comme s’il ne pesait pas plus lourd qu’une plume anorexique. Ils partirent vers la diligence qui les attendait un peu plus loin sur la route. Le plus âgé regarda son amant avant de poser sa question d’une voix calme, tout en caressant du pouce le dos de sa main ;
▬ Ça va aller ?
Le siren lui fit un grand sourire, un peu triste, mais qui rassura quand même le russe. Il lui ouvrit la porte, comme le ferrait un gentleman pour une lady. Orion ricana et frappa la bras de son compagnon avant d’entrer et de s’asseoir à l’intérieur. Alexander ferma la porte et s’assit à ses côtés tandis que les chevaux se mettaient en route.
« I pulled off your wings » Orion regardait paralysé le sang sombre couler lentement, s’étalant doucement, presque amoureusement sur la chemise blanche d’Alexander. Pourquoi ? Pourquoi lui ? Ses mains caressèrent fébrilement le front de son amant, écartant les mèches sombres collées à cause de la sueur. Il ne pouvait pas mourir ! C’était impossible ! Il était un vampire vieux de plus de 1000 ans. Pourquoi ? Les yeux écarquillés, le rouquin ne pouvait rien faire à part regarder la vie de celui qui l’accompagnait depuis plus d’un siècle s’éteindre de minute en minute. Qu’avait-il fait au destin pour mériter cela ? Il n’y avait qu’une seule et unique chose qui pouvait détruire un vampire ; l’argent. Le russe avait bien fait attention à bannir toute cette matière de son manoir et de ses maisons de vacances dans lesquelles ils séjournaient quelques années. Pas une seule trace. Pourtant, il était occupé de mourir dans ces bras à cause de ce fichu bout dé métal. Pourquoi avait-il fallu que ce stupide vampire saute pour le protéger ? Il n’aurait eut qu’une balle dans l’épaule, et il aurait pu guérir en quelques semaines. Mais noon ! Monsieur en bon chevalier servant c’était jeter devant lui, prenant la balle en plein dans le ventre. Si seulement, elle n’avait pas été en argent ! Il aurait pu se soigner de suite et s’enfuir sans problème. Mais la personne qui leur avait tiré dessus était un chasseur de loups-garous, comme il l’affirmait fièrement. Quel humain stupide ! Les lycaons ne sont pas sensibles pour un sou à l’argent ! Il ragea, avant de se re-concentrer sur Alexander dans ses bras qui poussa un gémissement plaintif. Orion grimaça et caressa une fois de plus le front de son amant, son mari, sa lumière, son tout. Il ne pourrait pas survivre si jamais il mourrait. Il l’aimait trop pour ça. Il n’avait jamais aimé quelqu’un comme ça. Pas même sa mère qui avait été son monde pendant les premières années de sa vie. Mais là, il avait vécu plus de 100 ans avec ce vampire bien trop protecteur pour son propre bien. Le rouquin sourit à travers les larmes qui coulaient le long de ses joues et qui échouaient au creux de son cou. Il n’arriva pas à retenir un sanglot et se rapprocha de son homme pour humer une dernière fois son parfum si différent, mais qui le rassurait tant. Plus jamais il ne pourrait se blottir dans ses bras. Plus jamais il ne pourrait le faire soupirer d’amusement et de plaisir. Plus jamais ils ne pourraient traverser le monde ensemble. Aujourd’hui marquait le jour de sa fin, et Orion ne pouvait s’y faire. Il refusait totalement. Tant pis si il vivait dans le dénis et le mensonge, tant qu’il soit toujours à ses côtés. Peut importe, il ferrait tout pour ne pas le voir s’éteindre.
Alexander leva difficilement sa main pour caresser et effacer du pouce les perles salées de son époux. Il le regarda aussi tendrement qu’il le pouvait avec cette douleur au ventre qui lançait dans tout son organisme. Il avait l’impression qu’un feu rampant s’amusait à lécher l’intérieur de ses veines sans lui laisser le temps de se reposer. Il essayait de ne pas montrer toute sa souffrance au plus jeune, mais ça devenait de plus en plus difficile. Il brûlait de l’intérieur, pourtant il avait si froid. Ces flammes glacées étaient pires que tout, car elles annonçaient sa fin proche. Il ne voulait pas y croire. Il avait vécu un millénaire, mais c’était seulement maintenant qu’il avait trouvé Orion. Orion, il l’avait fait revivre. Ça faisait des années qu’il se morfondait seul dans son manoir de Russie, il était devenu aigrie et n’attendait plus rien de la vie. Mais Orion avait su faire revivre la petite étincelle qui brillait au fond de lui. Il lui avait donné une raison à son existence. Il l’avait aimé. Vraiment. Passionnément. Tendrement. Jamais il n’aurait pu le quitter volontairement. Il s’amusait tant à ses côtés. Sa joie de vivre, ses sourires éblouissants. Il avait gardé son âme d’enfant malgré la mort de sa mère, et c’était magnifique. Il accrocha sa main à la nuque du rouquin pour rapprocher son visage, pour le détailler une dernière fois avant de partir rejoindre ses ancêtres. Il caressa doucement ses cheveux avant de tendre ses lèvres blanches, quémandant un baiser de son prince. Celui-ci lui accorda précipitamment. Ayant peur qu’il ne le quitte avant d’avoir pu lui dire au revoir. Il avait un goût amer et salé, teinté de regrets et de larmes. Orion posa son front contre celui de son mari, son souffle tremblotant. Il avait l’air bien pathétique à cet instant. Pourtant pour rien au monde il ne voudrait être ailleurs. Il regarda une nouvelle fois Alexander, essayant de graver dans sa mémoire ses traits fins et délicats, ses sombres cheveux, ainsi que ses yeux magnifique qui se voilaient doucement.
Le vampire sourit tristement avant d’articuler avec difficulté trois petits mots si simples et pourtant qu’il n’avait jamais réussi à dire au rouquin. Il lui avait démontré par des actes, des caresses, des baisers. Mais jamais il ne les avait prononcés.
▬ Je t’aime ..
Et c’est sur ces derniers mots qu’un voile blanc vint obscurcir ses prunelles céruléennes, tandis qu’Orion pleurait sans pouvoir s’arrêter sur le corps sans vie de celui qu’il avait aimé plus qu’il ne le faille. Il serra entre ses mains la chemise tâchée de sang, voulant se raccrocher à quelque chose. Comme si le faite de tenir ce bout de tissu allait lui ramener son vampire d’à travers la mort. Il resta penché sur ce corps pendant des heures, peut-être même des jours. Ses larmes s’étaient taries, pourtant il voulait encore pleurer.
Près d’un mois après son décès, il n’avait toujours pas fait son deuil et pleurait encore tous les soirs, se rappelant qu’il ne pourrait jamais se coucher une nouvelle fois à ses côtés. Il l’enterra dans le jardin de son propre manoir. Il avait déménagé à Paris. Il n’y encore jamais été avec Alexander, et cette ville ne lui rappelait pas ces souvenirs qu’il chérissait pourtant mais qui le faisaient tant souffrir. Ce ne fut que 6 ans plus tard, lorsqu’il était arrivé à sortir de sa dépression et qu’il arrêtait de pleurer dès que quelque chose lui rappelait son vampire, que Anne lui proposa de faire quelque chose pour s’occuper l’esprit. Elle avait entendu parler d’une Académie fondée spécialement pour les monstres. Ce serait intéressant pour lui d’y aller, vu qu’il n’avait jamais obtenu de diplôme malgré ses quelques 200 années d’existence. C’est donc la larme à l’œil qu’il quitta son appartement à Paris pour partir au Japon, serrant la croix entourée d’une rose que lui avait offert Alexander pour leurs 50 ans de mariage.