Cette fin d’après-midi s’avérait particulièrement chaude même pour la saison. Le soleil qui entamait sa course vers l’horizon éclairait le monde de ses rayons éblouissants et brûlants. Même aux environs de dix-huit heures la température s’élevait à presque quarante degrés Celsius. La majorité des êtres vivants restaient cloîtrés chez eux à attendre une brise rafraîchissante, d’autres qui étaient obligé de sortir pour travailler n’avaient de cesse de se plaindre du climat. Rares étaient ceux qui trouvaient cette lourde chaleur appréciable, et Miguel faisait parti de ces derniers. Assis sur l’un des bancs des jardins suspendus, il se trouvait sur la terrasse où de belles et grandes fleurs exotiques prenaient pieds. Cela devait faire près d’une heure qu’il se promenait ici, allant de terrasses en terrasses et s’arrêtant de temps en temps pour humer le parfum sucré de quelques plantes. Parfois il pouvait apercevoir les eaux claires du lac, au loin. Il avait hésité plusieurs fois à s’y rendre pour piquer une tête mais il avait préféré rester ici.
Il flânait, s’arrêtait, se penchait, respirait l’odeur d’une rose aux pétales flétris, se redressait, continuait et… s’ennuyait à mourir. Il trouvait son propre comportement agaçant, et il savait que s’il avait surpris quelqu’un en faire de même il ne se serait pas empêché de le charrier un peu. Miguel se trouvait simplement pitoyable. Il ne se lamentait pas, mais il avait envie de se cogne la tête en s’écriant : « Mon vieux, reprends-toi ! ».
Toujours assis sur son banc et désespéré à l’idée de reprendre sa ‘marche’, il soupira. De là où il était, il pouvait voir à nouveau le lac scintillant. Sur une des rives il vit même un groupe d’adolescents en train de jouer au ballon en maillots. Ils avaient l’air de bien s’amuser tandis que lui se morfondait sur son banc.
Brusquement il se releva. S’il s’ennuyait, il n’avait qu’à faire autre chose, aller voir Erin par exemple. Cette idée lui semblait la meilleure, il avait vraiment envie d’aller passer un moment avec elle. Il quitta les jardins d’une démarche décidée et rapide mais néanmoins élégante. Dans les couloirs vides, la chaleur était plus supportable qu’à l’extérieur. Il arriva devant la porte du local du conseil des élèves, persuadé par une intuition qu’Erin s’y trouvait. Sans une once d’hésitation, il frappa à la porte et l’ouvrit avant que quelqu’un l’autorise à entrer. Ce n’était pas par manque de politesse, il avait juste hâte de revoir la jolie sirène.
Il aimait bien le local à cause des ses propriétés illusionnistes. Lorsqu’il fut à l’intérieur, les murs se teintèrent progressivement en un gris morne où même la lumière semblait poussiéreuse. L’ambiance retransmettait bien son ennui. Un vague sourire se peint sur son visage et il lança à la cantonade : « Erin ? Erin, tu es là ? » Il s’avança d’un pas en cherchant son amie dans la salle.

Il faisait chaud, très chaud, trop chaud. Elle avait besoin d’eau, de faire trempette, d’une large étendue de ce liquide qu’elle aimait tant. Une piscine, un lac, n’importe quoi. Affalée au sol, elle essayait de se rafraichir en plaquant ses joues brûlantes contre le carrelage de la salle du conseil des élèves. Ces larges dalles blanches étaient pour elle une bénédiction par cette chaleur. Le frigo qui gisait plus loin avait été dépecé par Tsukasa quelques heures plus tôt. La blonde le maudissait, il avait tout engloutit, tout avalé, comme à son habitude. Ne restait que la carcasse de cette tendre machine, vide. Erin scrutait les environs, cherchant un quelconque moyen d’étancher sa soif étant donné que le parterre ne la satisfaisait plus. C’était son tour de garde, enfin, elle devait rester dans cette salle pour écouter les éventuelles demandes des élèves.

Les heures passaient et personne ne vint toquer à cette porte. Cette planche de bois inutile qu’Erin toisait, frustrée. Personne ne viendrait, c’était évident, les autres créatures étaient bien trop occupées à s’amuser à l’extérieur, elles gambadaient ou piquaient une tête dans le lac, tandis qu’elle devait rester en ces lieux sans intérêt. La blonde se morfondait de plus en plus, les murs de la salle avaient ressenti son humeur morose et s’étaient teinté d’un beau noir, clair tendant vers le gris. Cette couleur l’abattait davantage, la belle essayait tant bien que mal de se changer les idées, en vain. Un bruit l’interpella, vint ensuite le grincement de la porte la heurter, un autre gris s’ajouta au sien. Une voix familière heurta les murs de la salle.

« Erin ? Erin, tu es là ? »

La jeune fille se redressa, apercevant son tendre Miguel par la même occasion, sa tête hébétée la fit rire, un large sourire s’esquissa sur son visage. De la compagnie et non des moindres, celle de Miguel lui plaisait particulièrement, elle mourrait d’envie de lui sauter à la gorge en hurlant son nom comme délivrée d’on ne sait quel maléfice grâce à son intervention. Mais elle se reteint, il n’y avait pas de gêne entre eux, ce n’est pas cela qui a motivé le frein que s’est apposé Erin. Elle aimait juste qu’il vienne à elle, la jeune femme s’éleva brusquement, se dépoussiérant au passage avant de s’approcher de son ami calmement.

« Oui, c’est à mon tour de garder la salle, et toi que fais-tu ici ? Tu as une réclamation ou tu es simplement venu pour le plaisir de me voir ? »

Elle s’avança de quelques pas, enlaçant ensuite Miguel silencieusement. Le gris qui teintait les murs avait laissé sa place à un orange brumeux. Sa bobèche pointue s'enfonçait dans les bras du jeune incube.

Spoiler:

Si Miguel n’avait pas vu immédiatement sa sirène préférée, c’était tout simplement parce qu’elle était allongée à même le sol. Lorsqu’il la vit là, il ne put empêcher un air surpris transparaître sur son visage. Qu’est-ce qu’elle fabriquait étalée sur le par-terre de la salle ? Il se retint de lui poser la question, autant parce qu’il jugeait cette question importune que par politesse. Cependant un sourire ravi se peint sur sa bouche, masquant bien vite son désarroi. Il ne s’était pas trompé et avait trouvé sa chère Erin bien assez vite ! Se félicitant intérieurement pour cette victoire qui n’en était pas vraiment une, il s’approcha d’elle et la serra fort dans ses bras, inspirant à pleins poumons son parfum marin qu’il connaissait par cœur mais dont il ne le lassait jamais. « Je suis content de t’avoir trouvée. » souffla-t-il en la relâchant. « Je suis venu parce que je m’ennuyais et… euh… j’avais envie de te voir. »
Il se sentait un peu stupide en avant ça, comme s’il commettait une faute à l’encontre de la bienséance ou de quelques règles autant inutiles que fictives. Mais pourtant c’était bien la vérité, il avait juste envie de passer du temps avec elle. Est-ce qu’il y avait un mal en cela ? Non, bien sur, alors il n’avait aucune raison pour avoir hésité dans sa réponse. Se rabrouant mentalement, il fit quelques pas vers le réfrigérateur, élément salvateur dans cette pièce où la chaleur était intenable. Cependant une vague de dépit le morfondit lorsqu’il l’ouvrit et constata qu’il était si vide qu’il n’aurait pas été étonné de voir une araignée y aillant fait son logis. « Saleté de goinfre, il aurait pu vous laisser de quoi boire quelque chose de frais. » maugra-t-il en se tournant vers Erin. « Déjà que vous êtes obligés de rester ici à tour de rôle pendant que les autres font trempettes dehors, si en plus vous n’avez même plus de quoi vous désaltérer, c’est vraiment injuste. »
Il rallait autant pour son amie que pour lui, que les obligations d’Erin l’empêchaient de voir et de sortir avec son amie autant qu’il l’aurait voulu. C’était vrai qu’il aurait bien aimé se baigner tranquillement avec elle plutôt que de rester dans cette salle où le temporel semblait tout donner pour gagner le record de celui qui monterait le plus haut. « C’est de l’esclavagisme, j’hésite même à finalement déposer une réclamation pour que vous soyez dispensés de vos obligations au-delà d’une certaine température ! » Certes, cette idée était plutôt ridicule mais il n’en pensait pas moins. « Et dire qu’on pourrait être en train de se baigner à l’heure qu’il est… Tu penses que c’est grave si tu quittes ton poste maintenant ? Si on se fait attraper tu pourras dire que c’est de ma faute, si tu veux. » Il avait dit cela en plaisantant, mais un fond de sincérité se cachait dans ses paroles.