La jeune femme entre. Elle salua l'homme qui était déjà assit derrière son bureau et vint s'asseoir sur une chaise en face de celui ci. Le silence s'imposa entre les deux personnes, un long moment, ou aucun des deux ne dit rien. Ryû espérait que la jeune femme en face de lui s'en voulait, et se fonde en excuse, et Nao pensait que l'homme assit derrière son bureau allait se dépêcher de la sermonner afin qu'elle puisse retourner vaquer à ses occupations les plus folles. Mais le silence resta celui qui était le plus parlant dans ce bureau. A l'extérieur, nous pouvions entendre divers bruits de photocopieuse, de jeunes femmes riant au téléphone avec divers clients et associés. Des hommes parlant assez bas entre eux et d'autres qui parlaient tout à fait normalement près de la machine à café. Nao entendait tous ces bruits tout à fait clairement et Ryû devait les entendre un peu sourdement. Quoi que, étant travailleur ici même, ces bruits devaient faire partit de son quotidien, il ne devait plus y faire très attention. Là, il se contentait de garder son regard brun, fixé sur la peau blême de la jeune femme froide. Elle le fixait aussi, intensément, un léger rictus se dessinant sur ses lèvres. «
Nao... Tu as encore échoué... Pourquoi agis-tu de la sorte ? » Ces paroles étaient sorties finalement, il lui demandait des comptes, il lui demandait toujours de s'excuser et elle ne le faisait jamais. Elle préférait rire, ses yeux pétillant joyeusement lorsqu'il la grondait. Elle aimait le voir s'énerver et elle ne le prenait pas au sérieux, elle ne le prenait jamais au sérieux. Pourtant elle l'appréciait, elle le reconnaissait, mais elle ne pouvait pas le respecter, elle n'arrivait pas à avoir peur de ses menaces. «
...J'avais faim... » Avait-elle alors répondu dans un gloussement. Mais lui ne riait pas, il était désespéré.
Voilà des années qu'il tentait de remettre cette jeune femme dans le droit chemin, mais jamais il n'avait réussit encore. Jamais il ne lui avait vraiment dit ce qui aurait pu lui arriver aussi mais tout de même. Il pensait qu'elle s'assagirait avec le temps. Mais visiblement, elle n'avait pas l'air prête pour ce genre de choses. Elle, elle pensait qu'il deviendrait plus cool avec le temps, qu'il la laisserait tranquille même si au fond, elle appréciait ce petit jeu qu'ils avaient tout deux de se courir après pour se disputer, l'une provoquant l'autre, l'un sermonnant l'autre. Ils se complaisaient dans cette relation qui n'avait absolument rien d'affectif, au contraire. Mais Nao était une jeune femme taquine et elle s'amusait souvent à rendre cet homme fou. Pourtant il était gentil, il tentait de la guider depuis sa plus tendre enfance, si l'ont peut dire cela comme ça. Il tentait de lui faire plaisir aussi, de ne pas trop la fâcher et surtout de l'insérer dans le monde des humains. Mais c'était une tâche beaucoup moins aisée que ce qu'il s'était imaginée. «
Tu sais très bien que tu ne peux pas continuer comme ça, la C.d.C va finir par te rattraper. » Il n'en pouvait plus, il en avait marre de la chaperonner, de nettoyer le bazar qu'elle faisait à chaque fois qu'elle cédait à la tentation mais en même temps, il avait peur qu'elle se fasse prendre, il ne voulait pas qu'elle subisse des restrictions de ses pouvoirs, car Nao était une personne très fière, elle ne voudrait jamais se laisser faire à aucune autorité qui soit. «
Trouvons une solution. » Dit-elle soudainement, sûre d'elle comme si elle se rendait au moins un petit peu compte de ce qui se passait en ce moment et des risques qu'elle encourait à chaque fois qu'elle venait se nourrir à la gorge de ses patients.
Il faudrait qu'elle apprenne à contrôler ses pulsions, elle ne pouvait pas continuer ainsi et ça Ryû comme Nao en étaient conscient. Cependant elle ne voulait pas montrer l'inquiétude qui venait de naître en elle lorsque le nom de la C.d.C venait d'être prononcé. Elle n'était pas bête, elle savait ce que cela représentait, elle savait de quoi ils étaient capable mais elle ne voulait pas se faire attraper. Elle ne voulait pas qu'on la bride. Ryû avait hoché la tête d'un air entendu, il était toujours sérieux, ses traits carrés sur son visage dur le rendait souvent impressionnant pour la plupart des gens qui le coutoyaient. Beaucoup le craignaient mais la jeune femme aux cheveux teints ne craignait rien d'un humain. Aussi puissant soit-il. «
Je repasserais dans un mois, je ferais des efforts je te le promet. A bientôt Ryû-kun. ». Elle se leva, remit en place ses long cheveux ainsi que sa robe sombre qui moulait ses courbes parfaites avant de fermer sa petite veste, sac à main sur l'épaule elle prit le chemin de la sortie, n'attendant même pas la réponse de l'homme avec qui elle s'entretenait. Au contraire, elle ne voulait pas entendre ce qu'il pouvait avoir à redire encore une fois sur son comportement, elle en avait déjà trop entendu, elle savait qu'elle devait faire des efforts. «
Essaye de ne pas vider quelqu'un de son sang cette fois... » soupira-t-il tout de même en allant refermer la porte de son bureau qu'elle avait laissé grande ouverte. Quel sacré caractère cette vampire.
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Nao est une jeune femme difficile à cerner. Je n'ai jamais sut comment faire pour la comprendre totalement. Je n'ai même jamais compris pourquoi elle ne m'a pas tué ce fameux soir où nous nous sommes rencontrés elle et moi. Il était tard et sortais du bureau. Au loin, une jeune femme titubait en se tenant les flancs. Elle poussait des grognements semblable à ceux des goules, comme si la vie s'extirpait de son être... A l'époque, elle avait les cheveux noirs comme le jais. Et elle était vêtue tout de noir aussi. Elle semblait mal en point, elle semblait avoir l'air de dépérir à petit feu, de souffrir abominablement. Je m'étais alors rapproché d'elle pour lui demander si tout allait bien. Elle s'était figée et gardait la tête basse. Je pus voir alors qu'une lame était plantée entre ses flancs, et semblait être la cause de son mal-être. Directement je sentis mon sang s'agiter en moi, mon cœur s'accélérer, l'adrénaline me motivant je m'étais complètement rapproché d'elle pour retirer cette lame, de l'argent. A peine je l'eus retirée qu'elle leva les yeux vers moi, des yeux bleus si profonds que je fus figé sur place, sans être capable de m'enfuir. Car ma raison me disait maintenant que j'aurais dû partir. Et en effet, j'aurais mieux fait de m'enfuir, si j'avais su... Elle me montra ses crocs, elle m'expliqua ce qu'elle était, et qu'elle souffrait à cause de l'argent. Elle m'avoua qu'elle avait besoin de sang pour se soigner, et que j'allais lui servir de repas. J'étais choqué, terrorisé mais je soutenais son regard et je l'écoutais, je montrais que je n'avais pas peur, j'affichais un air déterminé qui semblait lui plaire. Je l'affrontais mentalement, sachant bien que je ne pourrais user de ma force. Alors je parlais, je l'insultais, je la traitais de monstre et au fur et à mesure elle approchait, calmement, m'écoutant, parlant avec moi, bien que titubante à cause de sa blessure. Elle restait près de moi et se montra très douce, alors qu'elle plantait ses crocs en moi pour me vider de mon sang, mais je ne m'arrêtais pas, je lui parlais encore plus, et je commençais à évoquer son humanité. C'est là qu'elle me lâcha, sa blessure soignée. Elle grogna et me demanda pourquoi je parlais de ça. J'avais touché un point sensible... L'humanité d'un être inhumain. C'est une chose difficilement acceptable du moins pour elle. Après cette nuit, elle vint régulièrement me rendre visite, et plus jamais elle n'a gouté à mon sang. Elle venait pour savoir comment se contrôler, pour apprendre à devenir plus humaine. Elle disait en avoir l'apparence mais pas le mental. Elle avait vraiment cette envie d'évoluer, de réussir à mieux vivre parmi les humains. Et étrangement, j'avais envie de l'aider.
Son entrée dans mon bureau me fit sursauter. Elle ne toquait jamais avant d'entrer, quand bien même j'étais avec de vrais clients, étant avocat, elle entrait quand même et se faisait passer pour ma secrétaire personnelle. Ce qui était ridicule étant donné qu'elle passait elle même par ma secrétaire pour venir ici. Enfin soit, Nao était vraiment un cas à part et je pense pas que je réussirais à la changer cependant mon rôle était maintenant de réussir à lui trouver une humanité normale. Ma première entreprise fut de lui trouver un métier, elle m'a dit qu'elle a toujours été infirmière et qu'elle a longuement travaillé avec des médecins mais qu'au vu de sa condition raciale elle devait souvent fuir le métier. Alors je lui trouvais un poste et elle excellait à ce poste, ravissant ses employeurs qui reconnaissaient qu'elle était une bonne infirmière... Jusqu'à ce qu'elle craque et qu'elle dévore un de ses patients. Je ne lui en voulais pas... Mais elle pouvait faire des efforts tout de même. «
Tiens, bonjour Nao, quel bon vent t'amène ? » Elle roula des yeux et se laissa tomber sur le fauteuil en face de mon bureau, croisant les jambes et s'allumant une cigarette comme à son habitude et comme à mon habitude je protestais en lui disant qu'on ne devait pas fumer ici. Mais elle s'en fichait complètement, elle s'était contentée de hausser les épaules. Elle n'était jamais de bonne humeur en venant ici, à croire que j'étais un poison pour elle, pourtant, c'était elle qui s'acharnait à venir me voir depuis bientôt cinq ans maintenant. Et j'en avais vu des choses au près d'elle. «
Ça fait trois mois maintenant Ryû-kun, et je n'ai tué personne, je n'ai pas même osé gouter une plaie ou quoi que ce soit. Je deviens professionnelle. » Elle me regarda, fière d'elle. Et je l'observais, tout de même un brin sceptique. J'étais heureux qu'elle ne blesse plus personne au travail mais elle continuait de tuer des gens pour se nourrir. M'enfin... Je crois bien que je ne peux rien pour ça. Je la félicitais tout de même, il semblerait qu'enfin au bout de cinq ans d'entrainement elle arrive à contrôler ses pulsions et elle arrive même à se satisfaire de quelques gorgées de sang plutôt que de vider totalement le corps d'une personne. Mais Nao restait une bête sauvage. Je savais qu'un jour viendrait où elle craquerait à nouveau et qu'elle ferait un carnage. Ce n'est pas parce qu'elle est amnésique, qu'elle ne sait pas d'où elle vient ni quel âge elle a exactement qu'elle n'est pas puissante. Je me méfiais toujours. Et le pire c'est que le jour ou cela arriverait, elle n'aurait même pas honte, au contraire, elle serait heureuse. Je me penchais en avant sur mon bureau, un petit sourire aux lèvres. «
Connais-tu The Other Side ma belle... ? » Le silence s'installa dans la pièce alors que je lui tendais plusieurs papiers à propos de cette école. Elle les prit, les lut très rapidement puis elle se leva sans un mot et s'en alla, furieuse. Quel sacré caractère...
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Ah ce mec, quelle plaie, je hais quand il a raison mais il a toujours raison en ce qui me concerne c'est affligeant ! Quand bien même je suis de bonne humeur il arrive toujours à me saper le moral en me disant que je peux faire mieux, que je pourrais faire des efforts que je pourrais au moins penser à autre chose que bouffer de temps en temps. Mais ça se voit qu'il ne sait pas ce que c'est lui hein ! Il sait pas comment de penser au sang, de voir le sang partout, de sentir le sang avant de sentir le parfum d'une personne, d'entendre son cœur battre tellement fort que parfois tu ne sais même plus ce qu'il dit. C'est dur ! Quand on est vampire, notre vie est régie par le sang et si l'on ne se contrôle pas on risque de tomber dans une folie destructrice. S'il savait les efforts que je suis capable de faire, il ne me traiterait pas ainsi si il se rendait compte de ce que je subissais chaque jours je suis sûre qu'il arrêterait de me crier dessus ainsi. Ryû était un homme qui était sortit de l'alcoolisme après un long combat. Et il en était fier, depuis ce moment, il aidait beaucoup de gens avec ses conseils pour résister à la tentation, mais mais maintenant, il voulait m'aider moi ? Mais l'addiction au sang est complètement différente d'une addiction à l'alcool. Au contraire, le sang pour moi c'est vital ! L'alcool ne faisait que le détruire, moi ça me fait vivre. J'étais partie de son bureau furax, en emportant les brochures et les notes qu'il avait prit pour moi. J'étais rentrée chez moi tranquillement pour bien les lire. J'avais l'impression qu'il voulait se débarrasser de moi, qu'il voulait m'interner dans une école spécialisée pour les monstres dans mon genre. C'était tout ce que je comprenais. Je ne suis pas un monstre, je ne veux pas être traitée comme un monstre... Je suis une vampire certes mais j'ai des émotions, des sentiments.
Pour la peine, cette nuit j'irais foutre le bordel dans son appartement. Je savais que le mardi soir il passait la nuit au bureau, il ne rentrait jamais. J'ai peut être un sale caractère mais c'est pas de ma faute, il faut que je lui montre mon mécontentement d'une certaine manière, je ne peux pas m'en empêcher. Alors la nuit tombée, je m'enfuyais dans les rues et j'entrais chez lui comme à chaque fois avec une facilité déconcertante. J'éparpillais de la nourriture un peu partout, déchirais son papier peint et envoyais valser ses quelques meubles. Tiens, il était plus prévoyant, il n'a plus de vaisselle cassable, rien que du plastique. J'eus un petit sourire en constatant cela avant de casser la vitrine de sa commode d'un coup de poing qui laissa quelques traces de mon sang vampirique. Je soupirais et une fois totalement défoulée je rentrais chez moi. Je n'étais pas folle, je n'étais pas un monstre et je ne voulais pas partir vivre ailleurs. «
Merci pour mon appartement Nao, j'adore le retrouver comme ça sans avoir de nouvelles de ta part. » Un mois s'était écoulé depuis la dernière fois que j'étais venue et assise en face de lui, je le fixais, un petit sourire aux lèvres. Il ne semblait pas heureux, mais il avait l'habitude je pense. Ses meubles n'étaient pas à leur première attaque de vampire. Pour finir j'eus un petit rire moqueur et je haussais les épaules, avant de lui tirer la langue comme une gamine. Je lui piquais aussi un crayon qui trainait sur son bureau pour griffonner des petits dessins morbides sur un papier qui lui aussi trainait là. Je m'attendais à ce qu'il me dispute, qu'il me crie dessus comme d'habitude mais il resta calme et se contenta de me demander. «
As tu réfléchis pour The Other Side ? Je me suis renseigné ils ont une place d'infirmière pour... » Je le coupais immédiatement, m'étant redresser pour poser un de mes longs doigts fin aux longs ongles sur sa bouche, le fixant droit dans les yeux, mes yeux bleus transperçant presque son âme. Du moins j'aimais penser que j'avais un petit effet là dessus. «
J'irais là bas pour travailler ? » Cette optique changeait tout, je ne comprenais pas vraiment, ce n'était pas pour m'interner qu'il me mettait là bas ? Je fronçais les sourcils en le regardant droit dans les yeux, retirant mon doigt. Il hocha la tête et confirma ce que je venais de dire. Il m'expliqua que là bas il y avait beaucoup de créatures différentes des humains, c'était une école et il était sûr que je parviendrais à me plaire là bas. Sans lui. Mine de rien, cela m'attristait un peu, je l'aimais bien Ryû... Il avait toujours été là pour moi...
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C'était le dernier jour de Nao à Kyoto. Demain elle partirait pour The Other Side et elle tenait à passer la journée avec Ryû qui avait prit sa journée de congé pour elle spécialement. Ils commencèrent par faire ses valises et il lui apprit le chemin qu'elle devait prendre pour pouvoir se rendre là bas. Elle soupirait quand il lui fit réciter pour la troisième fois le chemin. Elle le connaissait par cœur maintenant. Puis, ils mangèrent dans un parc le midi, des petits amuse-gueules et quelques pâtisseries. La journée fut assez sympathique voir presque romantique, chose assez étrange entre le vampire et l'homme. Il n'avait pas honte de son excentricité ni sa race au contraire, il n'avait honte de rien. Il l'appréciait telle qu'elle était et il espérait vraiment qu'elle revienne rapidement de The Other Side, en une autre femme, ou qu'au contraire il puisse lui rendre visite régulièrement. Cependant... Il ne pourrait certainement plus la voir et il ne semblait pas conscient d'une telle chose. Le soir venu, il l'invita à manger au restaurant et ils passèrent encore une fois une soirée magnifique. Il la raccompagna chez elle et elle l'invita à monter. Là... Je vous passe ce qui se passa. Je pense que vous l'imaginez assez bien. Le lendemain, Nao avait disparue, partant pour The Other Side en se léchant les lèvres alors que quelques jours plus tard on retrouva le corps de Ryû, dans l'appartement de la vampire, vidé de son sang, deux grosses marques au cou semblables à des morsures d'une bête sauvage.... Quel sacré caractère ce vampire...